Demande de renseignements : que faire en cas de demandes informelles de réponse dans des délais très courts par des contrôleurs ?


Article original: https://www.itaa.be/books/itaa-zine-november-2023/ 


Vous êtes de plus en plus nombreux à nous faire part du fait que vous recevez des demandes informelles de contrôleurs fiscaux sans que votre client n’en soit informé et, de surcroît, avec une exigence de réponse dans des délais très courts. Certains contrôleurs se permettent même de vous menacer de sanction ou d’amende en cas d’absence de réponse dans le délai demandé.

Nous rappelons qu’il n’existe pas de délai de réponse imposé par la procédure fiscale en cas de demande informelle ! L’ITAA a déjà signalé à plusieurs reprises au SPF Finances que ces pratiques des contrôleurs mettent la pression sur les professionnels économiques de façon injustifiée.

Dans le but de vous aider dans la pratique quotidienne de votre cabinet, nous vous proposons, dans le cadre de la présente publication : 

  • de mettre un terme à la confusion qui existe dans le chef de certains contrôleurs fiscaux entre les demandes informelles et formelles de renseignements ;
  • de rappeler, qu’en l’absence de mandat général octroyé à vous par votre client, la demande de renseignements doit en principe être adressée par le contrôleur fiscal directement au contribuable, ceci afin que le secret professionnel des membres ITAA soit respecté ; 
  • de vous communiquer la position de l’ITAA ; 
  • de vous fournir un modèle de réponse standard à une demande de renseignements informelle injustifiée d’un contrôleur fiscal, selon que vous disposez d’un mandat général du client ou non.
1.Demande informelle versus demande formelle de renseignements par le contrôleur ?
Si le contrôleur fiscal adresse une demande informelle, il n’existe pas de délai contraignant qu’il pourrait invoquer à l’encontre du professionnel économique pour obtenir une réponse rapide. La date indiquée ne peut être qu’un souhait de l’administration, l’on peut évidemment en tenir compte dans la mesure du possible mais il ne s’agit en aucun cas d’une obligation.

Ce n’est qu’en cas de demande de renseignements formelle qu’un délai de réponse est expressément prévu, étant entendu que la demande doit être adressée directement au contribuable qui fait l’objet d’un contrôle.

En vertu de l'article 316 du CIR [1] , tout contribuable est tenu de fournir par écrit, dans le délai d’un mois, tous les renseignements qui lui sont réclamés aux fins de vérifier sa situation fiscale. En effet, l’article 316 CIR autorise l’Administration à demander des informations au contribuable sur ce qu’il a repris dans sa déclaration fiscale. A défaut de réponse du contribuable, celui-ci s’expose à des sanctions administratives et des sanctions pénales (sauf prolongation du délai pour de justes motifs) [2] .

En outre, en l’absence de réponse à une demande de renseignements, l’Administration fiscale peut appliquer une taxation d’office. La charge de la preuve est alors renversée. Il revient normalement au l’Administration fiscale de prouver quels sont les revenus imposables, mais en cas de taxation d’office, c’est le contribuable qui devra prouver que les chiffres de l’administration fiscale sont inexacts.


[1] Article 316 CIR92 : ‘Sans préjudice du droit de l'administration de demander des renseignements verbaux, toute personne passible de l'impôt des personnes physiques, de l'impôt des sociétés, de l'impôt des personnes morales et de l'impôt des non-résidents a l'obligation, lorsqu'elle en est requise par l'administration, de lui fournir, par écrit, dans le mois de la date d'envoi de la demande, ce délai pouvant être prolongé pour de justes motifs, tous renseignements qui lui sont réclamés aux fins de vérifier sa situation fiscale.’

[1] Une prolongation du délai de réponse avant l’échéance du délai initial peut être demandée. Le contrôleur n’est pas obligé d’accorder cette prolongation, mais il le fera le plus souvent, assurément en cas de motif valable, tel une maladie, un séjour à l’étranger, etc.

2.Quid du secret professionnel ? [3]
En vertu de l’article 120 de la loi du 17 mars 2019 relative aux professions d’expert-comptable et de conseiller fiscal [4] , l’article 458 du Code pénal est d’application aux professionnels économiques (en ce compris les stagiaires).

Le secret professionnel porte sur les éléments confidentiels par leur nature ou confiés, expressément ou tacitement, à l’expert-comptable ou au conseiller fiscal [5].

Toute pièce se trouvant dans le cabinet de l’expert-comptable ou du conseiller fiscal ne recèle pas nécessairement des éléments confidentiels.

Il est important de signaler que, quand bien même des éléments ne seraient pas couverts par le secret professionnel, l’expert-comptable ou le conseiller fiscal commettrait une faute contractuelle en les communiquant à un tiers sans en avoir reçu l’accord du client au préalable (sauf dans des cas spécifiques explicités dans une précédente note de l’ITAA )[6].Ce principe doit être respecté si vous n’avez pas été mandaté par votre client pour répondre à une demande de renseignements d’un contrôleur fiscal, autrement dit si vous ne disposez pas d’un mandat général.


[3] L’administration fiscale peut, pour assurer la juste perception de l’impôt, également recueillir des renseignements auprès du professionnel économique, directement en son nom. Dans l’hypothèse où le professionnel économique recevrait, à son nom, une demande de renseignements ou d’être entendu, l’Administration - qui souhaite recueillir des renseignements par audition auprès d’un tiers en qualité de témoin - devrait appliquer la procédure prévue par l’article 322, par. 1er, CIR, convoquer par recommandé le contribuable pour assister à l’audition des témoins selon l’article 325 CIR et dresser un procès-verbal. L’expert-comptable ou le conseiller fiscal est cependant rarement un témoin car, sur base de sa lettre de mission, il est un exécutant du contrat d’entreprise combiné au contrat de mandat, ce qui forme d’ailleurs un contrat innommé. De plus, il faudrait que l’email envoyé par l’Administration fiscale reprenne le nom de l’agent et son grade de sorte qu’il soit possible pour le professionnel économique de vérifier si la personne qui sollicite les renseignements possède bien le grade d’expert financier des finances comme le prévoit l’article 322, par. 1er, al. 1er, CIR. En tout état de cause, l’Administration fiscale se doit de respecter les règles de procédure fiscale !

[4] https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2019031703&table_name=loi

[5] Cass. 30 octobre 1978, Pas. 1979, I, p.248

[6] Pour davantage d’informations sur le sujet, nous renvoyons à une précédente publication de l’ITAA  : https://www.blogitaa.be/fr/2022/04/14/le-secret-professionnel-de-lexpert-comptable-et-du-conseiller-fiscal/

Position de l’ITAA 
Malgré les nombreuses concertations entre l’ITAA et l’Administration fiscale au sujet des demandes de renseignements injustifiées, certains contrôleurs fiscaux continuent de menacer les membres ITAA de sanction ou d’amende en l’absence de réponse dans un délai très court à une demande informelle de renseignements.

Dans ce contexte, deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Si vous disposez d’un mandat général, vous pouvez répondre à la demande du contrôleur fiscal en fonction du planning de vos travaux, et après concertation préalable avec votre client.
  • Si vous ne disposez pas d’un mandat général, il conviendra de répondre au contrôleur fiscal que vous devez d’abord contacter votre client pour savoir s’il vous mandate pour répondre à la demande de renseignements. A défaut, le contrôleur fiscal devra s’adresser directement au contribuable.
Proposition de réaction standard par l’ITAA à une demande de renseignements informelle à laquelle il est exigé de répondre dans des délais très courts
Afin de diminuer la pression déjà suffisamment importante qui pèse actuellement sur les professionnels économiques, l’ITAA propose à ses membres de s’inspirer du modèle de réponse standard ci-dessous en cas de demande informelle de renseignements contenant un délai de réponse contraignant très court :


‘Bonjour Madame, Monsieur, 

 

Je suis en charge d'examiner le dossier du contribuable repris ci-dessus.

Vous avez indiqué 1 au code 1036, auriez-vous un jugement à me fournir ? Si ce n'est le cas je devrai effectuer un rejet de l'enfant repris en garde alternée.

Veuillez me renvoyer votre accord de la rectification éventuelle 1036 : 0 au lieu de 1.

Sans réponse de votre part endéans les 10 jours, je me verrai contrainte d'envoyer un avis de rectification au contribuable.’

Proposition de modèle de réponse de l'ITAA: 


Hypothèse 1 : vous disposez d’un mandat pour répondre


‘Cher M. / Chère Mme,

Nous avons bien reçu votre demande informelle de renseignements concernant (nom du client), pour lequel nous disposons d’un mandat. Nous l’informons dès à présent de votre demande de renseignements.

Nous ne manquerons pas de donner suite à votre demande informelle de renseignements dès que possible, et après concertation avec notre client, en fonction du planning de nos travaux. Nous pensons pouvoir vous repondre pour le (date prévue). En effet, vous n’ignorez pas qu’une demande informelle ne peut en aucun cas être assortie d’un délai contraignant de réponse.

D’avance merci pour votre compréhension.’
Hypothèse 2 : vous ne disposez pas d’un mandat pour répondre


‘Cher M. / Chère Mme,

Nous avons bien reçu votre demande informelle de renseignements concernant (nom du client). Nous ne disposons pas de mandat qui nous permette de répondre et ne pouvons donc vous communiquer les données demandées sans que notre client n’en soit averti au préalable et sans qu’il nous ait donné son accord pour répondre à votre demande.

En tant que membre ITAA, nous sommes tenus de respecter des principes de déontologie, dont notamment le secret professionnel. En vertu de l’article 120 de la loi du 17 mars 2019 relative aux professions d’expert-comptable et de conseiller fiscal , l’article 458 du Code pénal est d’application aux professionnels économiques.

Si notre client nous y autorise, nous donnerons suite à votre demande informelle de renseignements dès que possible, et après concertation avec notre client, en fonction du planning de nos travaux. En effet, vous n’ignorez pas qu’une demande informelle ne peut en aucun cas être assortie d’un délai contraignant de réponse.

Si notre client ne nous donne pas mandat pour répondre à votre demande, il vous appartiendra de prendre contact directement avec celui-ci. Dès que nous recevons les instructions de notre client nous vous tiendrons informé.

D’avance merci pour votre compréhension.’
I
Itaa est l'auteur de cet article de solution.

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